Journal d'une ménagère zébrée

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mardi, janvier 2 2024

La flamme intérieure

Par un triste jour d’hiver, au tout début janvier. Passées les fêtes de fin d’année et avec, le fugace soulagement d’un côté du fardeau de toute une année écoulée. Et de l’autre, le secret et vain espoir que tout allait être différent. Tout n’est pas différent, mais s’apprête à continuer de même. Par un jour de janvier gris et froid, tout semble figé. Comme tant d’autre journées d’hiver, égales à elles-mêmes. Comme ma propre personne, avec ses illusions, désirs et attentes ainsi sans cesse reportés.

Alors, mes quelques jours de congés me le permettant, je me pose. Après une année riche d’évènements et mouvementée qui s’est terminée par une séparation (délibérément choisie) juste avant Noël, je me pose. Où en suis-je, où suis-je ? L’endroit où je suis concrètement c’est chez moi dans ma maison, mais moi : mon esprit, mon cœur, mon âme ? Où est-ce... Je me dis que tout est toujours à l’intérieur de moi. Mais je ne peux ni le voir, ni le sentir. C’est peut-être une des difficultés de la vie humaine, ou plutôt un des plus grands paradoxes.

Il faut être dans un élan à sortir en quelque sorte de soi, pour voir d’où l’on est, qui l’on est, qui on « naît » ? Sortir de son axe pour voir ce qu’il en est. Ce qui me fait penser à la roue qui doit tourner pour prendre conscience du moyeu qui la constitue. Une des images du Tao d’ailleurs : le moyeu qui fait la roue, en prenant en compte ce vide dont il est fait et par analogie, ce vide en nous-même qui constituerait la base de nôtre être ? Celui de notre esprit, qui n’est pas quelque chose de palpable. Et donc, de sortir de soi-même - symboliquement bien sûr, comment y arriver autrement que par la méditation ?

Active ou passive, que ce soit en marchant, bougeant, ou en restant assis au calme. Quelle que soit la technique utilisée, il s’agit pour y arriver de se projeter quelque part. Mentalement. Pour ma part, j’ai la chance de pouvoir facilement visualiser. Pour d’autres, ce serait par des sons, ou simplement l’abstraction de la pensée ? Toujours est-il que pour moi, visualiser des images ou plus souvent un paysage, a comme répercutions et même comme pouvoir je serais tentée de dire, de « faire croire » au cerveau qu’il s’agit de quelque chose de concret, un endroit, bien « réel ».

Cela est d’ailleurs souvent abordé dans les neurosciences, et utilisé dans les techniques de médecine douce comme la sophrologie ou encore l’hypnose. Sans en être experte mais de simplement de m’y être intéressée, je sais que derrière tout cela il y a quelque chose. A la fois une part de vérité et de mystère. Sans considérer ce qui serait « réellement réel » ou pas, ce qui est un autre domaine, cela m’intéresse sur le plan de l’esprit.

Et donc pour en revenir au sujet : s’asseoir simplement quelque part en méditation, et visualiser. Pour être plus précise, transformer en image comme un paysage intérieur ce que je ressens. Et laisser faire… Si j’arrive à suffisamment lâcher prise, cela vient tout seul, ou presque. Utiliser une image forte en symbole, peut aider. Et quelle image pourrait symboliquement représenter au mieux ce qui constituerait le plus fondamental en moi, à la fois comme base irréductible de mon être mais aussi comme aspiration la plus essentielle, la plus universelle aussi. Quelque chose d’allumé, qui brille, qui réchauffe. Une étincelle ? Une flamme…

Alors, je reprends : par un triste jour d’hiver au tout début janvier, passées les fugaces désillusions des fêtes de fin d’année, me voilà chez moi. Assise dans la vacuité figée de mes quelques jours de congés. Je réfléchis, je médite. Au fur et à mesure que mon corps se détend, l’espace tout autour de moi devient l’espace de ma pensée, puis l’espace de mon ressenti. Il devient paysage, celui de mon esprit qui « s’expanse » autour de moi. Je ressens alors que la frontière entre intérieur/extérieur recule, il n’y a plus véritablement de frontière, cela devient essentiellement une vue de l’esprit, et c’est le cas de le dire !

Comme si quelque chose s’inversait : cet espace qui apparaît vide et inoccupé autour de moi, semble faire partie de moi. La pensée n’est alors plus un espace restreint et limité à l’intérieur de mon corps, mais au contraire, tout ce qu’il y a autour de moi. Devenant comme un espace du possible. Celui de mon esprit. Bien sûr, je ne parle pas de l’espace tangible du monde extérieur, je n’ai pas la prétention de dire qu’il fait partie de moi et que je pourrais avoir un quelconque pouvoir sur lui ! Je ne suis ni une super héroïne ni une magicienne, qui aurait ce pouvoir là. Quoique, au vu des avancées surprenantes de la science concernant le vide de l’univers, qui sait...

C’est plutôt que l’espace de l’esprit se superposerait à celui de l’univers. Les deux me semblent être comme inexplicablement « intriqués », un peu à l’instar de l’intrication quantique, à quoi cela me fait d’ailleurs penser. Une part du mystère de l’univers. Mais je reprécise, le sujet n’est pas l’influence qu’on pourrait avoir sur lui, comme il aurait sur nous. Plutôt cette simple possibilité de se (re)trouver, se poser en soi et en son existence afin d’y prendre part et pouvoir être heureux de vivre, cette possibilité d’être en paix et pouvoir se réaliser.

Donc, oui : comme une sorte de retournement se produit. Ouvrant une grande part de possibilités – toujours en soi-même, en esprit, je tiens à bien repréciser. Cela vient-il tout seul, ou est-ce moi qui le provoque ? L’image d’une flamme me vient à l’esprit. Enfin, quelque part dans ce paysage personnel juxtaposé, qui m’est apparu. Que j’ai « co-construit », je serais tentée de dire. Car je le ressens comme faisant partie de moi. Et quelque part cette flamme qui brille sans brûler, me réchauffe l’âme. Comme un phare dans la nuit, ou plutôt la grisaille figée de cette journée hivernale.

Cette flamme me semble à la fois comme le cœur de mon être, et en même temps un désir profond. Ce qui brûle d’être en soi, tout en désirant se voir autour de soi, se propager. Devenir universel. Comme le merveilleux voyage d’un point A qui souhaiterait trouver en un point B ce qu’il y a de plus universel et précieux en soi. Le don de voir, de penser, d’être, d’aimer? Cela me fait penser à une phrase dans la bible : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas » (ou l’inverse ?). Ce qui est autour de soi serait comme ce qui est en soi, et inversement.

Alors… Ne serait-ce pas comme une clé (symbolique), de déverrouillage, de libération intérieure ? Si par le travail sur soi, la méditation, ou la simple faculté de lâcher prise, on arrive à accéder à la part la plus intime car la plus irréductible en soi. Et si, par le plus grand lâcher-prise on accepte l’idée que cette part dépasse la notion même de soi. Et qu’on accède ainsi à quelque chose d’universel ? Que l’on peut symboliser par l’image d’une simple flamme qui brille. Alors, oui… cette infime et intime part qui n’est plus vraiment soi. Elle est à la fois à l’intérieur et autour de soi, on pourrait la résumer à la l’étincelle même de la vie.

Cette flamme qui brille en moi, elle brille en dehors et même au-delà de moi. Dans chaque être humain, et même dans chaque être vivant. Si j’arrive à « descendre » suffisamment profondément en moi, davantage par un cheminement de lâcher-prise et d’allègement plutôt que d’effort et de fardeau mental, alors je peux accéder à cela qui est en moi et pas moi en même temps, mais qui me fait être. Et que je peux retrouver autour de moi, en (ce) qui est. Je ne suis alors plus réduite à mon identité construite biologiquement, socialement, etc. La promesse d’une grande légèreté et liberté intérieure : Simplement, JE SUIS.

Le 02-01-2024

Flamme interieure

lundi, juillet 22 2019

Ma première fois à Lourdes

Lourdes

Je me suis engagée pour participer au pèlerinage, en tant qu’hospitalière. Étant auxiliaire de vie de métier, je ne m’inquiétais pas pour la relation d’aide. Mais je ne savais pas à quoi m’attendre, car c‘était la première fois. Impossible d’anticiper. Je me suis dit alors, ça va être tout l’un ou tout l’autre : Rejet total, ou totale adhésion...

Tout comme il m’aura fallu une dizaine de jours pour pouvoir évoquer mon expérience, quand je suis arrivée à Lourdes, impossible de décrire ce que je ressentais. Et puis au bout d’un jour ou deux, je me suis dit : mais il y’a tout et son contraire, ici ! D’un côté un sanctuaire très protégé, aimé et respecté, et de l’autre : des marchands de pacotille à tout va, visiblement très appréciés aussi. Un lieu de grande dévotion, ce qui pour moi fait référence à ce qu’il y a de plus intime (la relation à la foi). Et en même temps, tous ces gens qui viennent ici pour prier ensemble ! Même le temps s’y est mis : le jour où nous sommes allés à la Grotte, au sortir de la messe pluie et soleil se sont manifestés de pair.

Et puis : Jeunes, vieux, malades, bien portants, etc. nous nous mélangeons tous en venant vivre ici une expérience unique ! Et nous offrant ainsi les uns aux autres, de très belles occasions de rencontre (tellement précieux, à notre époque)… Entraide, partage et échanges, nous portent littéralement pendant toute la durée du séjour.

Vous l’aurez compris, ce n’est pas l’aspect religieux que j’ai eu envie d’évoquer. Non plus les grands moments d’émotion que j’ai connus (et Dieu sait qu’il y en a eu) . Mais simplement l’aspect humain. Car voilà, je crois bien que c’est cela qui m’a fait aimer ce lieu, et adhérer à ce qu’il s’y vit : Lourdes est tout en contraste, et de ce fait tellement à notre image !

Car en même temps à un niveau plus personnel, elle agit comme un miroir : de par ses contrastes, elle nous met face à nous-même. Nos propres contradictions. Alors, j’ai envie d’ajouter : mais n’est-ce pas une forme de miracle en soi, en un seul lieu de pouvoir ainsi faire vivre une expérience à la fois personnelle et collective, sociale et intime ? Un peu comme si les apparences et appartenances devenaient un jeu d’illusion, et qu’intérieur et extérieur se rejoignaient...

lundi, janvier 14 2019

En réaction aux communautés virtuelles...

Plutôt que de répondre par-ci par-là à différents posts, je vais centraliser ici le fond de ma pensée, doublée de mon humeur du jour (qui est très bof)... cela fait quelques jours que je suis inscrite ici (comme dans d'autres endroits). Et le sentiment un peu diffus car global que j'ai, c'est que dans dans le fond nous ne sommes pas tant que ça des zèbres ou autres animaux à part... simplement une bande d'humains peut-être essentiellement plus sensibles que la moyenne ?! et donc qui réfléchissent plus, étant aussi plus exigeants, etc....

Et alors justement, concernant "la moyenne"... j'ai le sentiment que depuis longtemps je fais de grands efforts pour m'adapter à cette société, en suivre les normes concernant le travail entre autre, mais aussi les relations humaines. Et j'ai l'impression de courir après un bus : plus je cours et plus il continue en même temps d'accélérer : comme nous le savons tous, les temps sont devenus plus difficiles. Et pas seulement économiquement (et c'est lié) : les relations aussi. Serait-ce lié à l'esprit de consommation, également le fait que nous soyons plus nombreux sur terre ? donc en quelque sorte davantage blasés...

La curiosité et l'intérêt de l'autre, enfin bref l'altruisme, me semble une valeur en perte libre de vitesse... sans même évoquer la vie concrète (les lieux qui étaient supposés être des lieux de rencontre et d'échange sincère, etc.). Même sur le Net à présent, on peut dire qu'il y a une foultitude de profils intéressants, avec de beaux textes, de la créativité, etc. mais derrière se perd la singularité de chaque être, nous surfons sur une masse d'informations et de choses publiées en tout genre, et au mieux nous "likons", mais... voilà, il n'y a plus vraiment d'échange. Et cela est devenue une sorte de passe-temps, de défouloir ? (de consommation !) mais je trouve cela bien loin de ce qui peut se passer et s'échanger de vraiment intéressant entre de réelles personnes. Car ce sont des personnes singulières, avec leur personnalité, leurs particularités, etc. qui se cachent derrière chaque profil.

Et tout ça pour dire : je ne suis pas sûre de continuer d'adhérer à une communauté ou une autre, simplement parce que je ne m'y retrouve pas... je trouve que c'est finalement pas mal de temps et d'énergie passée à surfer, répondre, lire à droite et à gauche à des sujets pourtant intéressants. Mais de ce fait, je trouve que c'est devenu à sens unique : chacun y va de son commentaire et son point de vue. Une manière insidieuse car trompeuse de se sentir exister, car qu'est-ce qu'il en ressort : pas grand chose si ce n'est - au mieux - plusieurs réponses également elles-mêmes à sens unique. Je crois bien que les réseaux sociaux dispersent et diluent l'être humain ! ses intentions, pensées, sentiments etc. partant direct dans le virtuel, et en retour... pas grand chose finalement ? un semblant d'illusion le temps d'un post de ne pas être seul, mais pourtant c'est le résultat, et ça ne change pas grand chose dans la vie concrète (si : Face-de-Bouc se fait des couilles en or, de tout ça !)...

Quand bien-même il pourrait y avoir des tentatives de regroupement, genre : et si on se retrouvait devant un verre... vous y croyez vraiment, vous ? on se retrouve à nouveau comme des étrangers les uns face aux autres, et tout est à recommencer. Peut-être, certainement même cela arrive, et j'en suis sincèrement contente pour les personnes concernées ! mais moi j'avoue ne pas avoir l'énergie pour tout ça (la vie en ce monde en demande déjà tellement)... Pour moi les relations c'est avant tout une question de cœur, je veux dire de feeling. C'est ça qui me donne l'énergie et l'inspiration pour aller vers l'autre, les autres, pour vivre tout court. Et le problème ici c'est qu'il y a des pensées et des écrits formidables, mais il y manque l'essentiel...

samedi, décembre 29 2018

Le rétroviseur

Il vient de se passer un événement : J’ai cassé mon rétroviseur… Mince, flûte, aïe ! Comme c’est bête, et énervant. Une partie de moi est vexée, contrariée, mais une autre partie de moi décide d’observer cela avec un certain recul (ah ah, c’est le cas de le dire). Et cela semble signifier quelque chose : Serait-ce que je ne doive plus regarder en arrière ? Ou bien cela ne signifie rien de particulier, et donc je suis libre de lui attribuer un sens. Ce que je « m’amuse » souvent à faire, quand il m’arrive un désagrément.

Il suffit alors de faire un pas en arrière et observer ce qu’il se passe, comment on réagit : On est en soi plusieurs personnes. Comme une sorte de théâtre avec de multiples personnages. Il y’a le personnage principal, l’ego, qui prend toute la place. Et se manifeste dès qu’il y’a une contrariété au niveau de l’affect. Formé de tout un tas de choses : l’éducation, la personnalité, le contexte environnant. Et on réagit tellement comme un petit enfant : dépendant de l’entourage le plus proche, du matériel, du qu’en-dira-t-on, il faut qu’on, y’a qu’à, etc....

Il est un peu comme l’arbre qui cache la forêt. Derrière il y’a une forêt, du moins d’autres arbres. Et c’est cela qui est intéressant d’observer : qu’on peut avoir en soi plusieurs personnages pouvant prendre le relais. D’autres aspects de soi que l’on connaît bien peu. Et ce que j’expérimente avec le rétroviseur, je l’ai déjà vécu dernièrement. En fait, je l’ai vécu de nombreuses fois, et à des degrés différents : de la simple contrariété à l’effondrement intérieur, quelque chose en soi résiste et se braque. Contre ce qui blesse. Plus l’intensité est forte, plus on a l’impression d’être comme agressé. Jusqu’à pouvoir être moralement anéanti.

Aussi grande puisse être une douleur émotionnelle, à moins bien sûr de faire une bêtise, on n’en meurt pas. Et justement, il y a comme un voile qui se déchire. Ou si vous préférez, un changement de perspective sur la scène où se joue votre pièce du moment : on peut découvrir qu’ il y’a autre chose derrière... Je pense que nous sommes chacun comme une poupée gigogne. Un personnage en cache un autre, qui en cache un autre, etc...

D’un banal événement de la vie sans gravité, on peut ainsi choisir une manière de l’interpréter, et « rebondir » dessus. Ouvrir comme une porte dans notre perception des choses. Et pourquoi pas accéder à cette partie de soi à la fois détachée mais justement très présente, la découvrir et l’expérimenter...

dimanche, mars 6 2016

Assise sur ma chaise

Je suis assise sur ma chaise l’esprit vide et le corps en attente, comme un animal docile. Une journée s'est écoulée, plusieurs journées, semblables les une aux autres, interchangeables, même. Était-ce aujourd’hui, hier, demain ? Le temps lui-même semble interchangeable. Tout comme mes sentiments. Sans parler des émotions qui sont de toute façon tellement évanescentes, qu’elles sont absentes.

Je suis assise sur une chaise, interchangeable également, dans le temps, dans l’espace. Alors qu’est-ce qui reste stable, fixe ? Ni même une pensée, mais la conscience vague d’être ici et maintenant quelque part, posée sur une chaise. Qui pourrait ne pas exister. Ni moi-même. Et pourtant,  puisque je suis là et j’attends, mais quoi ? d’être ou de n’être pas. Seulement une conscience aux aguets de sa propre absence. Qu’est-ce qui est là où qui n’est pas là ?

Une pensée, une sensation une absence ? Un peu de tout cela va et vient, mais ne reste pas. Si éphémère, la sensation d’être. Tellement incertaine. Cela pourrait être un rêve, une création, mais pour cela faut-il avoir l’inspiration. Une aspiration d’un moment que l’on crée comme un rêve. Même éphémère. Le rêve va et vient et la magie de la vie aussi. Tout passe, peut-être est-ce cela vieillir, non pas en son corps mais en sa conscience. Plus on voudrait sentir la vie, s’y accrocher, et plus elle semble s’évanouir.

La vie est un caprice d’enfant qui ne s’est pas vu grandir. Un vent de folie qui dessèche la conscience. Polie par le temps comme un caillou sur la rive. Elle se durcit et s’amenuise en même temps. Ma vie, je ne l’ai pas vu grandir, je ne l’ai pas vu sourire. Je ne l’ai pas sentie. J’en suis déjà au bord, où était-ce le commencement ?

Mais je ne suis pas encore morte, puisque je n’ai pas été vraiment vivante. Ni ici ni ailleurs, mais entre-deux. Tendue entre le temps et la conscience. Pas assez folle peut-être, pour croire au rêve de la vie. Pas été assez. Je n’ai pas encore commencé de jouer. On ne m’a pas transmis la règle du jeu, le mode d’emploi, j’en suis encore à tenter de déchiffrer. Et le temps passe, qui ne s’en soucie guère. Moi Ici assise sur ma chaise, en attente peut-être d’une prochaine vie, comme on attend un prochain train.

Je ne voulais pas écrire, je savais que cela soulage et enferme en même temps, cela ne sert à rien. Il est trop tard pour écrire. Peut-être encore trop tôt pour vivre ? Ou bien l’inverse, comment savoir...

mardi, décembre 31 1996

De rêve en rêve

Au fur et à mesure que je vais vers mes rêves, mes rêves changent. Ce qui était intérieur devient extérieur. Et ce qui était extérieur devient simple passé. Et ce passé, histoire. Je m’en délivre. L’homme avance vers ses rêves comme un ver dans la terre. L’homme grandit de ces rêves qu’il aperçoit, puis assimile et rejette derrière lui. Les rêves n’ont jamais été lointains ni par la suite oubliés. Pur effet d’optique mentale. L’homme les porte toujours en lui. C’est lui-même qui évolue par rapport à eux. Ce ne sont pas les rêves qui choisissent l’homme. Mais c’est lui qui les invente pour avancer. Il s’ignore encore tellement lui-même.

A quoi sert de rêver ? Puisque l’on ne peut jamais atteindre ses rêves, autant inventer celui qui ne nous quitte jamais. Je ne rêve pas à rêver, je rêve à inventer mes rêves, ce qui n’est pas pareil. Puisque j’ai la flemme d’attendre, je rêve tout de suite à ce qui peut être présent. Le vrai rêve est dans le présent, le faux rêve n’est qu’une illusion du temps, un temps maquillé pour mieux attendre. Mais le vrai rêve dans le présent n’est plus du rêve. C’est déjà autre chose.

Autre chose : voilà le mot qui me libère. Mon rêve à moi, c’est de me dire : maintenant. Au moment présent, il y a autre chose. Il n’y a pas que ce que je perçois, il y a encore autre chose. C’est un signe d’espoir cet autre chose, c’est ce qui alimente mon désir. Est-ce que je le sais, ou est-ce que je ne le sais pas ? Si je savais ce que c’est, mon désir s’éteindrait aussitôt. Le désir, c’est ce qui me permet d’avancer. Un désir d’autre chose. Peut-être de ce qui n’est pas moi. Pourtant je ne me fuis pas. Mais être seulement moi ne me suffit pas. Je veux être aussi autre chose, ou plutôt tendre vers …Cet équilibre qui en découle est délicieux. C’est déjà le frémissement de la vie.

La vie s’attend elle-même. Toute la vie durant, elle se rêve. Elle se rêve entrain de rêver. Elle se rêve désirant. Et qui peut-elle désirer ? Ce qui n’est pas elle. La vie nous comble car elle s’avance vers nous. Je rêve la vie qui me rêve. Je désire la vie qui me désire. C’est une histoire d’amour. On cherche à se rencontrer. On se rencontre déjà dans le rêve. Le désir est déjà réciproque, un frôlement. Tout est question de distance. La vie est un art. La vie appelle la vie. Le désir appelle le désir. Sans que je le cherche, le rêve vient vers moi. Car c’est tout qui s’inverse. En rêvant le rêve, je me fais désir de moi-même et j’appelle ainsi la vie. Les choses se renversent, je me rapproche. Je me rapproche un peu plus vers la vie. Pas besoin du toucher, le contact se fait dans l’espace de la pensée. Car la pensée se rapproche aussi d’elle-même. Tout est là qui s’invente de soi-même. En inventant l’invention, on réinvente la liberté. Et la liberté redonne le désir et le désir la vie.

En rêvant le rêve, on s’invente la sensibilité qui conquiert le réel.

vendredi, décembre 31 1993

L'attente

Ce dont l’être humain a effroyablement peur, c’est de se retrouver dans la position d’attente. L’attente implique un certain dénuement, un dénuement total face à quelque chose. Face à quoi ? Ce qui fait peur : ce n’est pas tant l’attente, mais ce que cela implique. Est-ce l’état de total dénuement lui-même, ou bien ce qui se trouve derrière ? Il s’agit certainement des deux qui sont en quelque sorte deux extrêmes. Plus l’être humain attend, plus il se trouve dans un état de dénuement et plus ce qui se trouve derrière lui semble immense et impénétrable, hermétique, mystérieux. La situation apporte quelque chose d’incompréhensible. C’est la situation de l’impossible. Pourquoi attend-il ? Cela doit-il exister, l’attente ?

En tout cette situation témoigne d’un manque. L’être humain attend parce qu’il lui manque quelque chose. Est-ce possible ? Alors qu’il porte lui-même sa propre vie, que la vie est donc de son côté… que peut-il lui manquer pour qu’il risque ainsi sa fragile vie au bord du gouffre immense, insondable et terrifiant de l’attente ? L’attente ne devrait, ne doit pas exister. Ce n’est pas possible. Pourquoi s’est-elle fichée dans l’existence, la mauvaise épine ? Il suffit peut-être à peine d’une fraction de seconde d’intense et violente attente pour détruire à jamais la vie d’un être…elle peut même provoquer une horrible mort à la suite d’une angoisse démesurée, inqualifiable. Alors il ne faut pas, il ne faut jamais attendre. Refuser cela. Si l’être humain attend quelque chose, il faut qu’il sache que cela ne peut se trouver qu’en lui-même. Car la vie est en lui-même. Elle ne peut être en dehors de son modeste corps.

Car voici la limite : le corps. C’est lui qui crée l’attente et c’est lui qui ne peut la supporter. La pensée peut attendre une pensée, l’esprit peut attendre l’esprit, mais le corps … il redoute l’attente. Elle est une séparation, un déchirement qui peut s’agrandir indéfiniment, qui peut être fatal. Cela cache un mystère, quelque chose d’intense, peut-être même infini. Il est possible que quelque chose en soi-même de très fort, immédiat, brûlant, provoque une attente profonde, douloureuse et apparemment irrévocable. Et c’est celle de quelque chose d’aussi fort, immédiat, brûlant. L’intensité est la même et les deux choses, d’une certaine manière se rejoignent. Mais il y a un obstacle, entre elles une barrière les sépare : le corps. C’est le corps qui est l’attente…