Au fur et à mesure que je vais vers mes rêves, mes rêves changent. Ce qui était intérieur devient extérieur. Et ce qui était extérieur devient simple passé. Et ce passé, histoire. Je m’en délivre. L’homme avance vers ses rêves comme un ver dans la terre. L’homme grandit de ces rêves qu’il aperçoit, puis assimile et rejette derrière lui. Les rêves n’ont jamais été lointains ni par la suite oubliés. Pur effet d’optique mentale. L’homme les porte toujours en lui. C’est lui-même qui évolue par rapport à eux. Ce ne sont pas les rêves qui choisissent l’homme. Mais c’est lui qui les invente pour avancer. Il s’ignore encore tellement lui-même.

A quoi sert de rêver ? Puisque l’on ne peut jamais atteindre ses rêves, autant inventer celui qui ne nous quitte jamais. Je ne rêve pas à rêver, je rêve à inventer mes rêves, ce qui n’est pas pareil. Puisque j’ai la flemme d’attendre, je rêve tout de suite à ce qui peut être présent. Le vrai rêve est dans le présent, le faux rêve n’est qu’une illusion du temps, un temps maquillé pour mieux attendre. Mais le vrai rêve dans le présent n’est plus du rêve. C’est déjà autre chose.

Autre chose : voilà le mot qui me libère. Mon rêve à moi, c’est de me dire : maintenant. Au moment présent, il y a autre chose. Il n’y a pas que ce que je perçois, il y a encore autre chose. C’est un signe d’espoir cet autre chose, c’est ce qui alimente mon désir. Est-ce que je le sais, ou est-ce que je ne le sais pas ? Si je savais ce que c’est, mon désir s’éteindrait aussitôt. Le désir, c’est ce qui me permet d’avancer. Un désir d’autre chose. Peut-être de ce qui n’est pas moi. Pourtant je ne me fuis pas. Mais être seulement moi ne me suffit pas. Je veux être aussi autre chose, ou plutôt tendre vers …Cet équilibre qui en découle est délicieux. C’est déjà le frémissement de la vie.

La vie s’attend elle-même. Toute la vie durant, elle se rêve. Elle se rêve entrain de rêver. Elle se rêve désirant. Et qui peut-elle désirer ? Ce qui n’est pas elle. La vie nous comble car elle s’avance vers nous. Je rêve la vie qui me rêve. Je désire la vie qui me désire. C’est une histoire d’amour. On cherche à se rencontrer. On se rencontre déjà dans le rêve. Le désir est déjà réciproque, un frôlement. Tout est question de distance. La vie est un art. La vie appelle la vie. Le désir appelle le désir. Sans que je le cherche, le rêve vient vers moi. Car c’est tout qui s’inverse. En rêvant le rêve, je me fais désir de moi-même et j’appelle ainsi la vie. Les choses se renversent, je me rapproche. Je me rapproche un peu plus vers la vie. Pas besoin du toucher, le contact se fait dans l’espace de la pensée. Car la pensée se rapproche aussi d’elle-même. Tout est là qui s’invente de soi-même. En inventant l’invention, on réinvente la liberté. Et la liberté redonne le désir et le désir la vie.

En rêvant le rêve, on s’invente la sensibilité qui conquiert le réel.