Ce dont l’être humain a effroyablement peur, c’est de se retrouver dans la position d’attente. L’attente implique un certain dénuement, un dénuement total face à quelque chose. Face à quoi ? Ce qui fait peur : ce n’est pas tant l’attente, mais ce que cela implique. Est-ce l’état de total dénuement lui-même, ou bien ce qui se trouve derrière ? Il s’agit certainement des deux qui sont en quelque sorte deux extrêmes. Plus l’être humain attend, plus il se trouve dans un état de dénuement et plus ce qui se trouve derrière lui semble immense et impénétrable, hermétique, mystérieux. La situation apporte quelque chose d’incompréhensible. C’est la situation de l’impossible. Pourquoi attend-il ? Cela doit-il exister, l’attente ?

En tout cette situation témoigne d’un manque. L’être humain attend parce qu’il lui manque quelque chose. Est-ce possible ? Alors qu’il porte lui-même sa propre vie, que la vie est donc de son côté… que peut-il lui manquer pour qu’il risque ainsi sa fragile vie au bord du gouffre immense, insondable et terrifiant de l’attente ? L’attente ne devrait, ne doit pas exister. Ce n’est pas possible. Pourquoi s’est-elle fichée dans l’existence, la mauvaise épine ? Il suffit peut-être à peine d’une fraction de seconde d’intense et violente attente pour détruire à jamais la vie d’un être…elle peut même provoquer une horrible mort à la suite d’une angoisse démesurée, inqualifiable. Alors il ne faut pas, il ne faut jamais attendre. Refuser cela. Si l’être humain attend quelque chose, il faut qu’il sache que cela ne peut se trouver qu’en lui-même. Car la vie est en lui-même. Elle ne peut être en dehors de son modeste corps.

Car voici la limite : le corps. C’est lui qui crée l’attente et c’est lui qui ne peut la supporter. La pensée peut attendre une pensée, l’esprit peut attendre l’esprit, mais le corps … il redoute l’attente. Elle est une séparation, un déchirement qui peut s’agrandir indéfiniment, qui peut être fatal. Cela cache un mystère, quelque chose d’intense, peut-être même infini. Il est possible que quelque chose en soi-même de très fort, immédiat, brûlant, provoque une attente profonde, douloureuse et apparemment irrévocable. Et c’est celle de quelque chose d’aussi fort, immédiat, brûlant. L’intensité est la même et les deux choses, d’une certaine manière se rejoignent. Mais il y a un obstacle, entre elles une barrière les sépare : le corps. C’est le corps qui est l’attente…