J’écris non plus pour dire, affirmer ou faire joli simplement, j’écris par survie, j’écris pour vivre, pour tenter d’être. Etre et vivre, est-ce la même chose ? Ecrire dans la souffrance, mais écrire pour tenter de vivre. Ecrire dans la double souffrance d’oser dire pour oser vivre pour mourir aussitôt dans le seul et unique instant si bref, si intense, si long de la plume qui respire qui se pose, se penche et se tait immédiatement, qui se soulève, sourit, rit, presque et s’étend de tout son sang, de toute son encre en une longue interminable et blanche agonie.
Pour répandre sa bavure de sentiments de châtiments de silence dans le silence de la page blanche, noire, ambiguë insaisissable et en suspens, éternellement, toujours en suspens en attente de la tache, de la gaffe monumentale irrémédiable compromettante. Alors, enfin, l’esprit se bat, se débat s’acharne se tend, attend, puis se détend, se rend, se répand rampe lentement, lamentable, pitoyable innocent, enfin et sans défense et sans offense pour le reste, l’apparence, les dires les rires et la défiance…
Ultime soupir, sourire dans le temps, entre-temps entre parenthèse, inexistant espace, hélas, triste car invisible indéfini, imprécis, imprévisible. Petit morceau de temps, de sueur, pudique, indécis, jamais livré à l’extravagance de la vie volubile ludique et versatile inversée retournée blessée contrariée comme un gant abîmé et oublié …
Tout cela pour dire, enfin ou ne pas dire, ce qui est ou ce qui n’est pas, ce qui ne peut être tout en voulant être. Voilà d’ailleurs à quoi servent les mots, eux-mêmes qui sont ou ne sont pas précis ou imprécis, vague lueur dans la vague imprécise de la vie de la ville du rythme. Avancer pour retomber pour avancer pour retomber, en haut, en bas, en haut, encore en bas, toujours trop ou pas assez, encore trop, jamais assez, assez, de vitesse, de justesse, de mouvement qui brille qui vibre éclatant de beauté, d’harmonie, d’équilibre.
La mort ! La mort ! Jamais assez pour dire ce qu’elle est, jamais assez pour montrer ce qu’elle est capable de faire, de dire ou de taire … alors encore, toujours les mots sordides ou trop beaux, trop vides ou trop gros, trop pleins ou trop verts. Peut-être trop tôt pour apparaître, transparaître, en escaliers, évasés ou savamment disposés, sous les marches ou dessus les marches pour accrocher et faire exploser. Bain de sang, d’ivresse ou de gaîté : les mots.
Une pointe de beauté, un paysage à regarder, un voyage à démarrer. A chaque instant l’irrégularité : une pointe de finesse qui fait dévier la linéarité, le plan calculé, le programme préparé, l’univers achalandé, l’espace raréfié, les objets démystifiés. Les mots. Les mots à la place des objets, les mots à la place des points arrêtés, des atomes figés. Les mots pour créer une dynamique diversifiée, un ordre passionné, une guerre pacifiée, un esprit incarné …