Je suis assise sur ma chaise l’esprit vide et le corps en attente, comme un animal docile. Une journée s'est écoulée, plusieurs journées, semblables les une aux autres, interchangeables, même. Était-ce aujourd’hui, hier, demain ? Le temps lui-même semble interchangeable. Tout comme mes sentiments. Sans parler des émotions qui sont de toute façon tellement évanescentes, qu’elles sont absentes.

Je suis assise sur une chaise, interchangeable également, dans le temps, dans l’espace. Alors qu’est-ce qui reste stable, fixe ? Ni même une pensée, mais la conscience vague d’être ici et maintenant quelque part, posée sur une chaise. Qui pourrait ne pas exister. Ni moi-même. Et pourtant,  puisque je suis là et j’attends, mais quoi ? d’être ou de n’être pas. Seulement une conscience aux aguets de sa propre absence. Qu’est-ce qui est là où qui n’est pas là ?

Une pensée, une sensation une absence ? Un peu de tout cela va et vient, mais ne reste pas. Si éphémère, la sensation d’être. Tellement incertaine. Cela pourrait être un rêve, une création, mais pour cela faut-il avoir l’inspiration. Une aspiration d’un moment que l’on crée comme un rêve. Même éphémère. Le rêve va et vient et la magie de la vie aussi. Tout passe, peut-être est-ce cela vieillir, non pas en son corps mais en sa conscience. Plus on voudrait sentir la vie, s’y accrocher, et plus elle semble s’évanouir.

La vie est un caprice d’enfant qui ne s’est pas vu grandir. Un vent de folie qui dessèche la conscience. Polie par le temps comme un caillou sur la rive. Elle se durcit et s’amenuise en même temps. Ma vie, je ne l’ai pas vu grandir, je ne l’ai pas vu sourire. Je ne l’ai pas sentie. J’en suis déjà au bord, où était-ce le commencement ?

Mais je ne suis pas encore morte, puisque je n’ai pas été vraiment vivante. Ni ici ni ailleurs, mais entre-deux. Tendue entre le temps et la conscience. Pas assez folle peut-être, pour croire au rêve de la vie. Pas été assez. Je n’ai pas encore commencé de jouer. On ne m’a pas transmis la règle du jeu, le mode d’emploi, j’en suis encore à tenter de déchiffrer. Et le temps passe, qui ne s’en soucie guère. Moi Ici assise sur ma chaise, en attente peut-être d’une prochaine vie, comme on attend un prochain train.

Je ne voulais pas écrire, je savais que cela soulage et enferme en même temps, cela ne sert à rien. Il est trop tard pour écrire. Peut-être encore trop tôt pour vivre ? Ou bien l’inverse, comment savoir...