Je m’en allais par un chemin ensoleillé, à un détour inattendu de la route je vous ai vus. Comme réunis en un rassemblement insolite, chacun de stature et d’orientation différentes, aucun n’étant tourné vers le même horizon. Et pourtant, ensemble sur une même longueur d’onde vous dodeliniez de la tête, doucement au rythme du vent. Entre vous, en spécimens uniques d’une même espèce.

Un petit monde clos, qui vit sa propre mélodie à guichet fermé. Un équilibre parfait ou personne ne manque et rien n’est de trop. Un univers en miniature qui en réalité ne se donne pas à voir, mais se contente d’être, simplement. C’est moi qui suis de trop. Ma présence et même ma contemplation, immiscée en intruse. Non conviée je ne suis pas désignée ni même désignable, devant ce paradis à taille réduite, qui n’admet aucun regard, aucun mot.

Ce n’est même plus une rencontre, juste le tableau abstrait d’un instant fugace et hermétique. Alors il ne me reste plus qu’à m’effacer, jusqu’à disparaître. De la contemplation jusqu’à ma propre pensée. Pour simplement laisser être, ce qui n’a nullement besoin d’assentiment humain. L’humain est déjà ailleurs, relégué loin là-bas où il n’y a, où ce n’est pas. Un monde tout aussi hermétique, mais fait de violence, à la fois de trop plein et de négatif.

Ne pas prendre ce qui n’a de toute façon plus prise. La vie cachée dans les recoins d’une nature repliée sur elle-même, comme un livre qui aurait été trop lu. Une œuvre consommée à l’excès et consumée. Ne reste plus que de petits îlots de vie sauvage rendue à elle-même, à sa propre herméneutique. Ce petit monde clos étrange de beauté, je m’en retourne et le laisse derrière moi. Comme un album à la fois vivant et périmé, se refermer tout doucement de lui même. Sans moi. Sans vous. Sans nous...

Pissenlit