Ma belle endormie
Par Cécile Montier le vendredi, janvier 10 1992, 18:15 - - humanité - Lien permanent
Ma belle endormie
Quand ton visage se figera
Quand ton visage se figera
En une stèle fantomatique
Quand la mort se rapprochera
Et t'enlacera de sa lumière sacrificielle
Tel un sourire comblé de regrets
Et tous ces mots inavoués
Ma belle se posera sur ton doux visage
Le masque froid de la vie qui se renverse
Le masque blême de l'âme qui déjà faiblit
Et le triste effroi du mystère qui s'accomplit
Comme une robe délicate qu'on enlève
Pour célébrer un office étrange et secret
La vie te sera lentement reprise
Ton corps entier pour une dernière danse
Vacillera d'un pas tremblant
Avant de retomber doucement
Telle une feuille qui balance après l'été
Ton souffle sera l'ultime volonté
Comme un dernier passage
Émotionnel et pathétique
Sur le seuil pathétique
D'un lieu abandonné
La pierre glacée s'incrustera
Sous ta paupière
La bouche se fanera
En une fleur délaissée
Elle fermera boutique
Et taira à jamais
La divine musique
Qui l'animait tendrement
Tes doigts se refermeront
Avides d'en finir
Sur la maigre illusion
D'avoir tenu la vie
Ta cage thoracique se scellera
Expulsant le dernier souffle du désir
Et offrant cet enclos intime
A l'action ténébreuse de la nuit
Tes jambes deviendront unies et unanimes
Elles pèseront tout le poids du triste sortilège
Qui t'a enlevé la grâce légère de t'élever
- pilier inutile qui va bientôt s'effondrer
et tes pieds s'enfonceront
sous le socle de la destinée
ceux-là même qui t'ont portée
deviendront tes geôliers
qui t'emmèneront vers la prison
de l'obscure éternité
et l'on tirera sur le marbre de ton visage
la fine toile vindicative
comme on tire un chapeau fatidique
pour saluer le définitif voyage
et ainsi tu t'en iras
à moitié évaporée
telle une onde diaphane
glissant à l'horizontal
vers la porte dorée ou l'oubli acharné…