J’escaladais les monts
	j’escaladais la mort
		j’escaladais les mots
pour franchir le pont
	approcher du port
		et toucher la peau
la peau rebelle et suave qui fait outrage
outrage à la vie des trépassés du Grand Naufrage
les sans-abris les sans-esprit abandonnés
laissés pour compte dans la nuit impitoyable

la peau rebelle qui ligote et ensorcelle
l’être faible l’esprit retors la pensée rongée
comme une prison double diaphane fatale
une fleur vénéneuse qui absorbe et disperse le mal

la peau rebelle de la vie sans retenue sans égale
qui éclate comme un soleil à minuit
en tissu de pêche et rêves vermeil
puissante à illuminer le profond sommeil
		ou les tristes veilles

je cherchais la peau
	touchais la porte
		et franchissais le pas
derrière l’enveloppe qui retient le monde
si fine si forte et tellement féconde
la frontière sous-jacente imaginaire et sans réticence
dans l’antichambre des désirs des bruits et du nombre
l’espace multicolore sans ordre où commence la pénombre...