Je chemine calme
Sur le blanc de la page
Sur la plage invisible
De mon esprit
Qui se déroule
Page par page
Ame par âme
Tandis que mon corps
Rentre en dedans
De son propre vide
Le stylo touche le sang
Pour gémir son émoi
Et l’encre coule en transe
Dans ma tête vide
Mes membres engourdis
Comme une drogue dévastatrices
L’étrange torpeur m’envahit
Et les mots sortent
Lentement de leur insomnie
En procession insolite
Les petits insectes
Grignotent le peu de vie
	    Qui me reste
Je grouille de vers
Qui s’installent
Sur les pages du souvenir
Le souvenir du terrible devenir
Les taches s’éparpillent
Les mots éclatent
Nés de l’œuf unique
La grande couveuse ingrate 
		Qui s’oublie
Je nage dans mon espace
Comme un poisson lunatique
Qui a perdu ses racines
	  son image 
	     sa vie
L’eau s’est retirée
Dans le bocal invisible
Caché derrière le miroir
Caché derrière la page
Les livres les mots 
	  les dictionnaires
La plume est un lance feu
Transformé en lance-pierre
Pour atteindre la vitre
Et la casser
L’eau des mots
Attend de se répandre
Pour remplir le corps sec
	      la matière vide
	      qui se languit…