Je t’aime de mon non-amour, t’honore de mon absence. Chaque jour est une adoration de mon indifférence à ton égard, et je t’enveloppe ainsi de mon mépris le plus flamboyant. La toile de ma fausse présence hypocritement déployée me relie à toi malgré toi. Et chaque jour j’en joue et je jouis, de te savoir coincée à l’autre bout de la ligne, aux abonnés désirant mais non considérés.

Il aura suffit d’avoir fait incursion chez toi avec une présence séductive savamment orchestré - entré par la musique, c’est le cas de le dire - pour créer l’accroche et te savoir désormais liée. A ma merci, en mon pouvoir si je le veux, quand je le veux. Et par la fin de non-recevoir sentimentale, je te tiens à ma portée, ton abîme grandissant d’attente effective me comble au plus au point. Car il me flatte, me glorifie, me fait sentir si...omnipotent.

Comme j’aime ce lien que je peux ainsi harponner sur d’autres cibles. Et avoir main-mise à ma guise sur des cœurs dociles en espoir d’un retour infime. Une manifestation minimale de quelque chose qui permettra d’entretenir ce si beau lien glorificateur de mon écho, ma toute puissance ; un petit message occasionnel y pourvoie. Je règne ainsi en maître, que dis-je en prince au centre de cette toile, tellement similaire au réseau virtuel donc je désavoue pourtant avec fierté les conséquences...

Quel merveilleux ami non-aimant et amant non désirant je fais...« je rigole tous les jours et profite de chaque instant, je ne me prends pas la tête, et pas de plan sur la comète ». Je surfe sur la superficialité de sentiments à sens unique, que je me réjouis d’instiller autour de moi, comme autant de petites étoiles qui me font briller. Je peux ponctionner ici et là au bout d’une ligne qui frissonne, entre la récolte narcissique d’une langueur que je ne nourris pas, à peine pour qu’elle survive. Voyez, je maintiens ainsi une certaine forme de survie de l’espèce amoureuse transie, afin qu’elle ne disparaisse pas complètement. Car sinon : que serais-je sans elle...